Le phénomène des DPE de complaisance prend une ampleur préoccupante en France. Selon les dernières études, près de 1,3 million de logements bénéficieraient de diagnostics surévalués, représentant un préjudice estimé à 21 milliards d’euros. Face à cette fraude qui compromet la transition énergétique et trompe acheteurs et locataires, le gouvernement a annoncé dix mesures strictes pour 2025. Diagnostiqueurs, vendeurs et acquéreurs risquent tous des sanctions lourdes.
Qu’est-ce qu’un diagnostic de complaisance ?
Un diagnostic de complaisance désigne une pratique frauduleuse où le diagnostiqueur améliore artificiellement la note énergétique d’un bien immobilier. Cette manipulation consiste généralement à surévaluer légèrement certains paramètres pour faire passer un logement dans une classe énergétique supérieure.
Contrairement aux faux diagnostics grossièrement falsifiés, ces DPE complaisants restent subtils. Le diagnostiqueur ajuste à la marge des éléments comme l’épaisseur de l’isolation, la performance du système de chauffage ou l’année de construction des équipements. L’objectif : transformer une passoire thermique classée G en bien de classe F, ou faire basculer un logement F vers la classe E.
Cette méthode de calcul biaisée répond souvent aux pressions des propriétaires désireux d’échapper aux interdictions de location ou d’augmenter la valeur de leur bien. Les bailleurs évitent ainsi les contraintes réglementaires tandis que les vendeurs valorisent leur patrimoine immobilier.
L’ampleur du phénomène selon l’ADEME
Les chiffres officiels révèlent une situation préoccupante : l’ancienne ministre du logement Valérie Létard dénombrait près de 70 000 DPE de complaisance sur les 4 millions produits annuellement, soit 1,75 % des diagnostics. Cette proportion peut paraître faible, mais son impact financier reste considérable.
L’analyse de la base de données de l’ADEME par la start-up KRNO confirme cette tendance inquiétante. Leur étude portant sur 8 millions de DPE met en lumière des concentrations anormales de diagnostics proches des seuils de changement de classe énergétique. Les résultats montrent que 19 % des biens classés F basculent artificiellement vers la classe E.
Le renforcement des contrôles devient urgent. L’ADEME développe désormais des outils statistiques pour repérer ces anomalies et surveiller l’activité des diagnostiqueurs via son site de l’observatoire DPE-Audit.
Les risques pour tous les acteurs
Sanctions pour le diagnostiqueur
Les professionnels coupables de faute professionnelle s’exposent désormais à des sanctions drastiquement renforcées depuis 2025. L’interdiction d’exercer passe de 6 mois à 18 mois en cas de fraude avérée, et jusqu’à 24 mois en cas de récidive. Une liste noire empêche tout retour anticipé dans la profession pendant la période de sanction.
L’organisme de certification dispose d’une semaine pour retirer le certificat dès qu’une anomalie statistique est détectée par l’ADEME. Les diagnostiqueurs frauduleux risquent également des poursuites pénales avec des amendes pouvant atteindre 300 000 euros et deux ans d’emprisonnement pour falsification de document officiel.
La perte de couverture assurantielle constitue un risque supplémentaire majeur. Les assureurs refusent désormais la prise en charge des litiges liés aux DPE non conformes aux normes, exposant les professionnels à des dommages-intérêts considérables lors de conflits avec acheteurs ou locataires.
Conséquences pour le vendeur et bailleur
Propriétaires vendeurs et bailleurs encourent une responsabilité contractuelle renforcée depuis l’opposabilité du DPE en juillet 2021. Contrairement aux anciens diagnostics à valeur informative, les acquéreurs peuvent désormais engager directement leur responsabilité sans prouver de mauvaise foi. L’acte de vente devient ainsi plus contraignant pour les propriétaires.
Financièrement, les dommages-intérêts peuvent atteindre des montants considérables. Un tribunal peut condamner vendeurs et bailleurs à indemniser intégralement le préjudice subi par l’acquéreur ou locataire trompé. La dépréciation immobilière causée par un DPE mensonger amplifie ces risques financiers.
Pénalement, faire appel à un diagnostiqueur complaisant expose à des amendes de 1 500 euros, portées à 3 000 euros en récidive. Les agents immobiliers complices risquent jusqu’à 300 000 euros d’amende et deux ans d’emprisonnement pour participation à cette fraude documentaire.
Préjudice pour l’acheteur et locataire
Victimes de cette tromperie, acquéreurs et locataires subissent un double préjudice financier particulièrement lourd. D’abord, ils paient un bien surévalué de 8 à 10 % selon les données notariales, soit plusieurs milliers d’euros de trop sur une transaction immobilière classique.
Ensuite, ils découvrent des factures énergétiques bien supérieures aux prévisions initiales. Un appartement présenté en classe E mais réellement classé F génère des surcoûts de chauffage considérables, notamment lors du premier hiver où la réalité énergétique se révèle brutalement.
Lajusticereconnaît désormais ces préjudices comme réparables. Les tribunaux condamnent régulièrement à des dommages-intérêts correspondant au coût des travaux nécessaires pour atteindre la performance énergétique annoncée. Ces montants peuvent facilement dépasser 20 000 euros pour une isolation des murs complète ou une rénovation globale du système de chauffage.
Les sanctions encourues en cas de faux DPE
Le cadre pénal s’est considérablement durci depuis mars 2025. Les propriétaires qui présentent un diagnostic de performance énergétique frauduleux subissent désormais des poursuites criminelles avec des peines pouvant aller jusqu’à 3 ans de prison ferme. L’amende maximale grimpe à 45 000 euros, soit quinze fois plus qu’auparavant.
Les diagnostiqueurs complices font l’objet d’une double sanction administrative et pénale. Outre la radiation professionnelle de 24 mois, ils se voient infliger des amendes de 1 500 euros en première infraction. La récidive double automatiquement cette pénalité financière à 3 000 euros, sans possibilité d’arrangement.
Un exemple récent illustre cette sévérité : un diagnostiqueur parisien a été condamné à 18 mois de prison avec sursis et 25 000 euros d’amende pour avoir produit 47 DPE erronés. Cette jurisprudence marque un tournant dans l’application du devoir de loyauté professionnel exigé par la transition écologique.
Comment prouver qu’un DPE est faux ?
Démontrer la fausseté d’un diagnostic nécessite avant tout de rassembler des preuves tangibles et de faire réaliser une contre-expertise par un second diagnostiqueur certifié. Cette démarche constitue le fondement de toute action en justice réussie.
Conservez scrupuleusement vos factures énergétiques des douze derniers mois pour établir un écart significatif avec les prévisions du DPE initial. Photographiez également l’état réel des équipements de chauffage, de l’isolation et des menuiseries lors de votre emménagement.
La vérification sur le site de l’ADEME permet de contrôler l’authenticité du diagnostic et la certification du professionnel. Un DPE absent de cette base de données officielle constitue une preuve formelle de fraude, particulièrement utile devant les tribunaux pour obtenir réparation du préjudice subi.
Impact sur la transition énergétique
Les DPE de complaisance sabotent massivement les objectifs de décarbonation du parc immobilier français. Chaque diagnostic frauduleux détourne les propriétaires des véritables travaux de rénovation énergétique, retardant d’autant la sortie des passoires thermiques du marché locatif.
L’impact chiffré est alarmant : avec 70 000 diagnostics erronés annuels, ce sont potentiellement des dizaines de milliers de logements énergivores qui échappent aux obligations de rénovation. Cette fraude compromet directement l’objectif gouvernemental de rénover 700 000 logements par an d’ici 2030.
Plus grave encore, elle fausse les décisions d’investissement des ménages dans l’amélioration thermique de leur habitat. Un propriétaire convaincu à tort que son bien est performant ne financera jamais l’isolation ou le changement de chauffage pourtant indispensables. Cette tromperie ralentit mécaniquement la transition vers des énergies renouvelables et l’électrification des usages domestiques.
Les nouvelles mesures gouvernementales 2025
Contrôles renforcés par intelligence artificielle
L’intelligence artificielle développée par l’ADEME analyse désormais automatiquement les 4 millions de DPE annuels pour identifier les comportements suspects. Cette technologie détecte les diagnostics réalisés en temps anormalement court ou présentant des incohérences par rapport à des biens similaires.
Le système repère notamment les professionnels qui attribuent systématiquement des notes à la limite entre deux classes énergétiques. Chaque anomalie déclenche automatiquement un contrôle approfondi par l’organisme de certification compétent.
L’objectif fixé pour fin 2025 prévoit l’évaluation de 10 000 diagnostiqueurs grâce à ces outils d’analyse statistique. Cette surveillance continue permettra de détecter rapidement les dérives professionnelles et de protéger efficacement les consommateurs contre les pratiques frauduleuses.
Formation et certification des diagnostiqueurs
Les nouvelles exigences deformation initiale transforment radicalement l’accès à la profession depuis juillet 2025. La durée minimale passe désormais à 56 heures pour le DPE, incluant 28 heures de pratique terrain obligatoire. Cette formation pratique doit être supervisée par un tuteur expérimenté disposant de 5 ans d’expérience minimum dans le domaine énergétique.
L’examen théorique se déroule exclusivement en présentiel avec une durée de 90 minutes pour les certifications sans mention. À partir du 1er novembre 2025, les organismes de certification utilisent un outil numérique automatisé pour corriger les épreuves, garantissant une évaluation plus objective des compétences.
La certification reste valable 7 ans mais les contrôles qualité s’intensifient avec une vérification annuelle systématique de chaque diagnostiqueur. Cette surveillance continue vise à maintenir un niveau de compétence élevé et à détecter rapidement les dérives professionnelles dans l’exercice du métier.
Comment éviter un DPE erroné ou complaisant ?
Vérifiez systématiquement la certification du diagnostiqueur en consultant le site officiel de l’organisme certificateur avant tout rendez-vous. Exigez la présentation de son QR code personnel qui atteste de la validité de ses compétences. Cette vérification constitue un critère essentiel pour éviter les arnaques.
Accompagnez obligatoirement le professionnel durant sa visite et posez des questions précises sur ses relevés. Un diagnostiqueur sérieux prendra le temps de mesurer chaque pièce, photographier les équipements et vous expliquer sa méthodologie. Méfiez-vous des visites expéditives ou des professionnels qui refusent vos questions.
Demandez plusieurs devis auprès de diagnostiqueurs différents pour comparer leurs tarifs et approches. Un prix anormalement bas cache souvent une prestation bâclée ou complaisante. Privilégiez les professionnels recommandés par votre entourage ou disposant d’avis clients vérifiables en ligne.